Message de Noël 2021Publié le 05/01/2022 |
Patriarche PORPHYRE
et de l’Assemblée des évêques de l’Église orthodoxe serbe
LA PAIX DE DIEU – CHRIST EST NÉ !
Gloire à Dieu au plus haut des cieux
et sur la terre paix pour Ses bien-aimés ! (Lc 2, 14)
Chers enfants spirituels,
Nous savons que la naissance de l’Enfant Divin de Bethléem est le centre de l’histoire du monde et que c’est sur le salut du genre humain dans le Seigneur Jésus-Christ que se fonde la couronne des valeurs humaines. La naissance du Dieu-homme transcende même la création de l’univers car la venue de la Lumière Divine dans le monde, sous les voûtes d’une grotte cachée proche de la ville Divine de Jérusalem a permis que l’homme soit illuminé par la possibilité de la vie éternelle. Dans la lumière qui a brillé dans les ténèbres et que les ténèbres n’ont point saisie (Jn 1, 5), se sont épanouies la culture et la civilisation chrétiennes. Le Nouvel Adam a remplacé l’ancien afin qu’à travers lui, le Saint-Esprit renouvelle toute la création. Si donc quelqu’un est dans le Christ, s’écrie l’apôtre Paul, c’est une création nouvelle : l’être ancien a disparu, un être nouveau est là (2 Co, 5, 17). C’est dans cet esprit que l’évangéliste Jean nous annonce la bonne nouvelle que tout a été créé à partir du Verbe de Dieu (Jn 1, 1-3), Qui a revêtu la nature humaine et renouvelé ainsi l’union entre Dieu et l’homme, ce qui a permis que l’alliance contenue en son sein devienne éternelle.
Frères et sœurs, l’amour est le moteur principal de tous les événements de l’histoire du salut, et en particulier de l’arrivée de Noël, du petit Dieu dans le monde, ce qui fait que la beauté et la force de la Fête d’aujourd’hui ne peuvent être vécues qu’avec un amour pur. Poussé par l’amour, Dieu a créé le monde et l’homme. Mû par cet amour, Il est descendu parmi nous, faisant en sorte que l’humain reçoive en son sein le divin, de même que l’irréel a accueilli le périssable. Dans toute la sagesse des Saints Pères de l’Église, se distingue un axe central sur le fait que le Fils de Dieu est devenu l’un de nous afin que, par la grâce, nous devenions ce qu’Il est. L’amour de Dieu a permis que le monde créé dans le Dieu-homme Christ ne soit ni surpassé ni détruit par la force divine, mais qu’en suivant la voie étroite de l’humilité du Seigneur, il soit guéri et sauvé. C’est pourquoi il est important que dans la joie festive d’aujourd’hui, nous comprenions que la nativité du Dieu-homme dans l’humble grotte de Bethléem nous invite à l’amour véritable imprégné par le sentiment sincère de fraternité entre les hommes. Il en résulte que la joie de la fête doit être nourrie par la noblesse de notre témoignage de chrétien, par l’amour animé par le souci des autres, et non par les illusions égoïstes de la communauté que la culture globale, notamment en ces jours de fête, utilise à des fins commerciales, sans apporter d’ailleurs une paix authentique et une joie vraie. Rapprochons-nous donc les uns des autres, empreints de l’humilité de la grotte de Bethléem et ressentons le fait que le Fils de Dieu est né pour nous montrer que nous sommes nécessaires mutuellement, Dieu à l’homme et l’homme à Dieu, un ami à un autre ami, une espèce à une autre, chacun à l’autre, car il nous est impossible de vivre les uns sans les autres ! Ne nous encombrons pas de savoir qui sont nos proches, et au lieu de nous interroger sur ce que les autres font pour nous, demandons-nous de qui nous sommes proches et ce que nous faisons pour les autres. Soyons donc proches de tous ceux vers qui nous sommes conduits à l’aulne de l’amour du Christ.
Si ce principe de l’amour revit en nous nous serons capables, dans ce monde qui a tant besoin d’amour, d’instiller un germe de salut et d’en prendre soin. L’amour véritable et éternel n’existe pas en dehors du Christ Sauveur où se sont unies pour l’éternité l’amour de Dieu pour l’homme et l’amour de l’homme envers Dieu. La réflexion de Saint Justin de Ćelije disant que « seul l’amour embaume l’éternité, car il embaume Dieu » résonne de force évangélique. Elle nous enseigne la possibilité d’aller à la connaissance de Dieu et de la vie éternelle dans l’amour du Christ. Si nous négligeons de nourrir en nous l’amour pour le Christ, nous tombons dans une impasse tragique ; mais si nous l’entretenons par le labeur et la grâce, alors nous nous élevons vers la plénitude de la vie. C’est là que résident l’origine de la joie et la source d’un courage moral inébranlable au milieu des épreuves difficiles de l’existence.
Cela a été d’ailleurs connu depuis toujours par notre peuple qui fait revivre en ces jours de fêtes, la coutume de la paix de Dieu. Dans la famille et dans le voisinage, au milieu de nos proches comme sur les lieux de travail, partout où on se trouve, le rapprochement avec Dieu et nos proches, s’accompagne de la salutation sincère : La paix de Dieu, Christ est né ! Ainsi se manifeste parmi nous de façon sublime, la prophétie biblique du grand Isaïe : Car un enfant nous est né, un fils nous a été donné…et on Lui a donné ce nom : Conseiller-merveilleux, Dieu-fort, Père-éternel, Prince-de-paix (Is 9, 5). Adressons donc nos prières en ces jours bénis au Seigneur et roi de paix (He 7, 2) afin qu’Il éteigne les hostilités entre les peuples, qu’Il sauve les hommes dans tout l’univers et qu’Il soit miséricordieux et ami-des-hommes afin de nous rendre dignes de nos ancêtres par la chair et l’esprit, dignes de la bénédiction qui nous a été promise par les anciens prophètes et qui nous a été donnée dans le Dieu-homme Christ.
Si nos regards se rencontrent en ces jours de fête dans la prière, nos cœurs éprouvent le sentiment que notre joie n’est pas complète. Nous célébrons la Nativité du Christ Sauveur dans un monde rempli de peurs et de troubles, plein d’une atmosphère d’incompréhensions, de méfiance et d’intolérance, aboutissant à un sentiment d’exclusivisme né de la progression de la culture de l’égoïsme et de l’exaltation de l’individualisme – ce qui correspond aux valeurs suprêmes de la mentalité de consommation en général. En outre, dans un univers en mutation constante, où ne subsiste que la peur de perdre sa sécurité personnelle, il semble que l’homme contemporain ne trouve pas de réconfort dans les progrès de la médecine, de l’industrie et de la technologie. Il semble que la société humaine ne soit plus fondamentalement la même, car les réalisations scientifiques et techniques tendent, sous l’influence des technologies d’information, à modifier les façons de communiquer entre les hommes, accroissant ainsi leur sentiment d’aliénation et de solitude. Il suffit de considérer les incertitudes quant au traitement des maladies fondamentales, pour que la peur revête un aspect existentiel.
Tout cela évoque une atmosphère que notre Prix Nobel de littérature, Ivo Andrić, a décrite de façon prophétique en disant que : « le danger véritable et le plus élevé ne réside pas dans les dangers qui nous menacent en vérité, mais dans la crainte qui est en nous ». Or le Dieu-homme Christ chasse cette peur de nous, comme en témoigne Son disciple bien-aimé Jean : Il n’y a pas de crainte dans l’amour ; au contraire, le parfait amour bannit la crainte, car la crainte implique un châtiment, et celui qui craint n’est point parvenu à la perfection de l’amour (1 Jn 4, 18). Avant même l’apôtre de l’amour, l’Ancien Testament mentionne un message qui englobe beaucoup d’autres : Ne crains pas car je suis avec toi, ne te laisse pas émouvoir car je suis ton Dieu ; je t’ai fortifié et je t’ai aidé, je t’ai soutenu de ma droite justicière (Is 41, 10). C’est pourquoi la réponse à la situation qui nous tourmente aujourd’hui, doit être recherchée dans les paroles que notre Seigneur le Christ a adressées à Ses disciples avant Sa passion : Dans le monde vous aurez à souffrir. Mais gardez courage ! Moi, j’ai bel et bien vaincu le monde (Jn 16, 33). Réjouissons-nous donc, frères et sœurs, car Dieu vient à notre rencontre comme Vainqueur ! Chassons les ombres de la crainte en dépit des difficultés et célébrons avec une foi ferme en Dieu, la nativité du Dieu-homme dont le nom néo-testamentaire d’Emmanuel nous renforce par sa puissante signification littérale – Dieu avec nous (Is 7, 14).
Dans la joie de la fête de Noël d’aujourd’hui, c’est avec une préoccupation pastorale et une responsabilité particulière que nous adressons nos salutations paternelles et nos prières à nos sœurs et frères dans la patrie et dans la diaspora, partout où vivent des Serbes orthodoxes, notamment à ceux habitant le Kosovo et la Métochie, notre berceau spirituel et national. Nous leur disons que nous connaissons parfaitement leurs épreuves qui durent encore, mais que l’Église, leur mère, a toujours été à leurs côtés et qu’elle le sera toujours. Aujourd’hui, nous sommes en esprit et en prières, avec vous tous sur tous les lieux de vos existences. Chaque foyer orthodoxe devient un petit Bethléem, tout imprégné de la signification du badnjak (branche de chêne traditionnel) et de la chaleur de la paille, où tous ensemble nous entonnons le chant sublime : « Ta naissance, ô Christ notre Dieu, a fait resplendir dans le monde la lumière de l’intelligence… »
C’est avec respect et une reconnaissance exceptionnelle que nous souhaitons aujourd’hui Noël à tous les médecins et travailleurs de la santé, pour lesquels nous adressons nos prières au Divin Enfant le Christ. Nous prions aussi pour que les malades soient guéris au plus vite, que l’infection qui a envahi le monde, disparaisse ! Nous prions aussi pour que nous, chrétiens orthodoxes, n’ayons plus peur pour nos vies, que nous ne reculions pas devant les dangers inhérents à la maladie déclenchée par la propagation de l’infection, mais que nous ayons une confiance ferme en Dieu, le Médecin véritable de nos esprits et de nos corps, et que le sentiment de peur avivé par les recommandations de « distanciation sociale » ne nous empêche pas dans l’accomplissement de ce qui est utile pour nos proches et la communauté à laquelle nous appartenons à tout point de vue : spirituel, familial, professionnel…Pour nous, chrétiens orthodoxes, la maxime suivante s’applique toujours : « Quand tu as vu le visage de ton frère, tu as vu le visage de Dieu ». Elle a été forgée, frères et sœurs, par l’expérience séculaire de notre nature faite à l’image de Dieu, toujours tournée vers la communication avec Dieu et avec la nature en général. L’Église vous invite donc, tant que dure cette pandémie, à respecter les mesures et recommandations raisonnables faites par le gouvernement et d’autres institutions compétentes dans les États et les contrées où vit notre peuple ; mais elle rappelle aussi la nécessité pour chacun d’éviter toute forme d’exclusivisme et de respecter la liberté individuelle considérée comme le don le plus élevé et le plus précieux accordé par Dieu à l’homme. Gardant à l’esprit l’enseignement de l’apôtre Paul : C’est pour que nous restions libres que le Christ nous a libérés. Donc tenez bon et ne vous remettez pas sous le joug de l’esclavage (Ga 5, 1), nous devons rester libres, mais non moins responsables, prenant soin des autres et de nous-mêmes.
Confrontés à la menace globale du corona virus, nous devons d’abord comprendre que l’homme a été créé pour agir dans ce monde comme seul facteur véritable de stabilité et de survie. C’est dans la dépendance par rapport à l’usage de sa libre volonté que se trouve peut-être le seul facteur de déséquilibre, le seul virus véritable. C’est par ses agissements sur la nature humaine et la brutalité exercée sur la création dans son ensemble, que l’homme porte atteinte à l’harmonie majestueuse de tout ce qui a été créé par Dieu. À cet égard, le corona virus, comme tout autre virus, n’est que le reflet d’un problème infiniment plus profond. Il est donc, entre autres, l’expression d’un avertissement pédagogique adressé à l’homme afin qu’il revienne aux commandements de Dieu, car si on spolie la nature et si on ne vit pas en harmonie avec l’ordre instauré par Dieu, la nature cesse d’être notre environnement pacifique. Elle se souvient et endure longtemps l’injustice, mais tôt ou tard elle rend les coups assénés. Nous devons donc respecter la nature, en prendre soin et la préserver en tant que don le plus précieux accordé par Dieu.
La portée de la fête de Noël se résume précisément dans le fait que l’Enfant Divin Christ nous a, par Sa naissance prodigieuse, offert pour toujours la possibilité de guérir de nos agissements semblables au virus, tout en nous accordant la possibilité unique de purifier nos rapports avec Dieu, la création et les hommes. Restons donc sobres à cet égard, à l’écoute de ce que dans la lumière de cette Fête, nous disent ces paroles du grand saint et poète de l’Église, saint Jean Damascène :
« Que le ciel et la terre se réjouissent prophétiquement en ce jour ! Anges et hommes fêtons spirituellement la solennité, car Dieu est apparu dans la chair en naissant de la Vierge, à tous ceux qui étaient assis dans les ténèbres et l’ombre ; la grotte et la crèche L’accueillirent ; les bergers proclament la merveille ; d’Orient, les mages apportent les dons à Bethléem. Quant à nous, de nos lèvres indignes nous Lui apportons la louange angélique : gloire à Dieu au plus haut des cieux, et paix sur la terre ! »
Soyez heureux en ce jour béni par Dieu où nous est né le Sauveur et Libérateur le Christ notre Seigneur ! C’est avec ces souhaits et nos prières au Christ le Divin Enfant que nous vous adressons à tous, comme corps de toute l’Église conciliaire aussi bien qu’à chacun de vous individuellement, nos sincères bons vœux pour la Nouvelle année 2022.
Nous vous saluons tous avec la salutation joyeuse de Noël :
La paix de Dieu – Christ est né !
Patriarcat serbe, Belgrade – Noël 2021
Le patriarche Porphyre et l’ensemble des évêques de l’Eglise orthodoxe serbe